Ben oui, chose. Kristof G. est allé voir son chanteur préféré rocker dans son San Francisco, le 8 février dernier, au légendaire Warfield, avec la mouture 2020 de Mr.Bungle. A-t-on besoin de préciser qu’il s’agit évidemment de Mike Patton, vocaliste de Faith No More et d’une douzaine d’autres projets souvent heavy? Je ne crois pas. Ça, c’était avant que cette saloperie de virus pousse la planète à se mettre en isolement, lorsqu’on enfilait jadis en se levant des pas-trop-mous pantalons et qu’on pouvait encore prendre l’avion, aller souvent au dép’ s’acheter du houblon et se rentrer dedans en souriant dans un moshpit qui ne sent pas trop bon. Récit d’un trip d’une autre époque…
C’était la première fois que je me déplaçais aussi loin de chez moi pour aller assister à un concert. Heureusement que mon épouse est une crinquée trippeuse de métal, elle aussi. On a pu faire une pierre deux coups, en prenant quelques jours pour visiter San Francisco, cette fort jolie et montagneuse cité côtière américaine, dotée d’une riche histoire culturelle. Des rockeurs classiques (Hendrix, Joplin) aux poètes de la génération beat (Ginsberg, Borroughs), en passant des cinéastes d’exception (Coppola, Lucas, Eastwood), ils sont nombreux à avoir vécu dans cette fertile ville. Comme les Dead Kennedys, Primus, Possessed et pas mal de groupes thrash du Bay area, tel qu’Exodus, Metal Church, Death Angel, Testament et Metallica.
Évidemment, pour le fan de Mike Patton que je suis, c’était assez fou de pouvoir enfin mettre les pieds dans la ville de Faith No More et Mr. Bungle, qui plus est, pour assister à un show de ces derniers. La totale. Bref, un beau pèlerinage de 5 jours, avec comme paroxysme, le premier de 2 ‘hometown’ concerts réunions, 20 ans après la dissolution du groupe.
En août dernier, le groupe de Trevor Dunn (fidèle bassiste de Patton; Tomahawk, Fantômas) et de Trey Spruance (guitariste; Secret Chiefs 3, Faxed Head) et créait la surprise en annonçant une poignée de concerts, pour interpréter non pas l’habituel ‘bestov’, mais plutôt le tout premier de leurs 4 démos (parus en cassette), The Raging Wrath Of The Easter Bunny (1986), qu’on peut essayer d’écouter sur YouTube (le son est nul à chier). Sachez que ses 8 pièces sont foutrement heavy et patraques, à saveur death avant la lettre.
On parle d’une mini-tournée de 7 shows (à LA, SF et NYC seulement), alors que le groupe ne parlait initialement que de 3 (un dans chaque ville), avant de se raviser vu l’importante demande. Rare comme de la marde de Pâques qu’on dit (‘scusez là). Six mois après avoir acheté de peine et de misère nos billets — qui se sont envolés en quelques minutes — pour ce singulier show avec invités très spéciaux, on était enfin rendus au 8 février 2020. YES.
C’était par un beau samedi soir de février (autour de 15 degrés Celsius) et ça se passait à la magnifique salle de spectacle The Warfield. Construit en 1922, l’amphithéâtre de 2300 places est en quelque sorte un croisement entre le Metropolis (MTelus, si vous préférez) et nos plus belles vieilles salles, comme le Rialto et le Corona — en espérant que ce dernier change de nom.
Surprise à notre arrivée : une interminable file d’attente s’étirait jusqu’à l’obligatoire comptoir des produits dérivés. Car c’était évidemment hors de question que je revienne sans au moins un t-shirt en souvenir.
Je me suis aussi procuré une tuque, en plus d’un improbable maracas en forme d’œuf du ‘lapin de Pâques’. Le hic est qu’on a tellement patienté longtemps, qu’on a hélas dû manquer les prestations des openers Intestinal Disgorge (grind metal solidement brutal) et Victims Family (trop cool or fort original groupe punk local, sévissant depuis 1984), même si on a tout de même pu les entendre pendant notre attente… depuis le lobby. Ben oui.
Pour l’aventure, Mike, Trey et Trevor—les trois membres originaux du groupe—avaient recruté deux piliers de la scène thrash metal. Premièrement, pour sonner un peu plus lourd au niveau guitare, on avait invité nul autre que Scott Ian (Anthrax, S.O.D.), apparemment grand fan de Mr. Bungle. Était aussi à bord un ami de la famille, le grand Dave Lombardo. Parce qu’en plus d’avoir influencé les plus grands du genre avec son vieux band (SLAAAAAAYEEEEEER!) et de s’activer couramment avec de crinquées pointures assez punk (Suicidal Tendencies, Misfits), le bon Dave a également beaucoup joué avec Mike au cours des deux dernières décennies.
Soit au sein de Fantômas et, plus récemment, Dead Cross. Or, autour de 21h45, Mr. Bungle a parti le bal avec son batteur original derrière le kit, Jed Watts, le temps de deux pièces: Anarchy Up Your Anus, tirée du susmentionné démo, précédée d’une reprise stéroïdée du thème de l’émission pour enfants Mr.Rogers (Won’t You Be My Neighbor terminée par un petit bout de March of the S.O.D.). Toujours aussi fous, les boys.
D’ailleurs, en plus des pièces de ce fameux démo (et quelques pièces inédites composées à la même époque), on eut droit à pas moins de 8 autres reprises qui rentraient toutes autant au poste (en sacrament). Presque rien que du hardcore punk et/ou crossover. Soit Corrosion of Conformity (Loss for Words), Cro-Mags (Malfunction), Crumbsuckers (Just Sit There), Siege (Cold War), Circle Jerks (World Up My Ass), 7 Seconds (You Lose) et The Exploited (Fuck the USA) à la toute fin.
Les gars nous on également offert une reprise de S.O.D., Speak English of Die (rebaptisée pour l’occasion Speak Spanish or Die), ainsi qu’à un mini-peu de Slayer (l’intro instrumentale d’Hell Awaits juste avant de faire Evil Satan) et de FNM (quelques mesures du beat d’intro de la pièce éponyme de The Real Thing juste avant de se lancer dans Sudden Death). Le moment le plus ‘Bungle’ du set fut lors d’une formidable interlude aussi hétérogène que veloutée jouée à mi-show : une excellente reprise du tube soft rock ‘70s de Seals and Crofts, Summer Breeze (j’eus une pensée pour le regretté Peter Steele, qui l’avait aussi interprété avec Type O Negative sur leur classique Bloody Kisses).
Ce n’est pas un secret pour personne : depuis que j’ai entendu l’album The Real Thing (1989) de FNM, Mike Patton est mon vocaliste préféré. Le plus grand. Le plus versatile. Le plus fou. DE TOUS LES TEMPS. Pour les moins biaisés, il est, du moins, l’un des plus grands de sa génération. Ainsi, le voir tripper avec ses vieux chums, dans LA ville qui l’a vu naître en tant qu’artiste, son San Francisco à lui, là où il vit encore aujourd’hui, c’était plus qu’incroyable, les amis.
Et ce, même si j’ai vu Mike très souvent en concert. Une première fois, avec les DJ de The X-ecutioners (2000), quatre fois avec Fantômas (2 x 2001, 2003, 2005), une fois avec Tomahawk (2002), deux fois avec Peeping Tom (2006, 2007), trois fois avec FNM (2010, et deux fois en 2015), deux fois avec John Zorn (2 x 2013, le même soir!), et oui, une inoubliable fois avec Mr. Bungle, en 1999 au Metropolis. C’était donc la quinzième (15!) fois, si je ne m’abuse. Je suis un peu fan, je crois.
Sérieux, j’y repense et je me pince d’avoir pu assister à ce couru show et d’avoir vécu ça. Avec, en prime, le guitariste de mon groupe thrash favori, Anthrax. Et le meilleur batteur thrash metal ever. Vous l’avez deviné: le thrash est mon sous-genre de métal préféré. Checkez ça, la chimie entre Patton et Lombardo. ‘Faut dire, que ça fait plus de 20 ans que ces gars-là collaborent, yo.
Bref, c’était vraiment cool, voire historique, comme concert (bien que court : un peu plus de 75 minutes), même si on aurait aussi adoré entendre des pièces tirées des trois excellents albums de Mr.Bungle, soit l’inquiétant trip de cirque de l’éponyme (1991), Disco Volante (1995) et ses bruyants délires mondos et intersidéraux, et California (1999), débordant d’exotica, de robots et autres vertigos. On aurait même pris un peu de Fantômas au pire, t’sais, avec 3 des 4 gars su’l’stage. Mais que veux-tu, c’était le Lapin (et plein de covers en prime) ou rien. Eh bien, avec un peu de recul, je suis très content que ça soit le dernier show que j’ai pu voir avant la grande annulation, alors qu’on est tous et toutes tombés — avec plein de maintenant inutiles billets de shows — en confinement. Pas de doute, je vais m’en souvenir longtemps.
P.S. Et j’ai bien hâte d’écouter la version 2020 du Lapin : le même alignement tout étoile est passé en studio juste avant que tout ferme. Ça devrait paraître avant la fin de l’année sur Ipecac Recordings, le label de Mike. Yé!
PHOTOS : KRISTOF G.