Abysmal Dawn : Entretien avec Charles Elliott, guitariste et chanteur

Photo : Rodrigo Fredes

Lors de la dernière présence de Vader en ville, nous avions Abysmal Dawn en ouverture. Cette formation américaine a reçu un accueil très favorable, un peu comme si ce groupe fermait la soirée. En 2020, Abysmal Dawn lancera un nouvel album mais ne passera pas par le processus habituel des tournées qui suivent le lancement. Cette réalité touche de nombreux artistes et nous, les amateurs de metal, devons-nous y soumettre. Ayant énormément de temps face à la promotion de Phylogenesis, Charles Elliott, chanteur et guitariste d’Abysmal Dawn, a pris le temps de jaser avec Boulevard Brutal!

Salut Charles. Dans un premier temps, je sais que c’est une période plutôt particulière pour tout le monde. Nous vivons en ce moment un truc historique avec la COVID-19. Ma première question se veut évidente. Comment vas-tu et comment vivez-vous cette situation avec Abysmal Dawn?

On s’accroche du mieux que l’on peut. C’est encore un peu fou un peu partout mais nous essayons de ne pas trop réfléchir à ce qui pourrait arriver de pire. Nous essayons de prendre cela un jour à la fois tout en tentant d’entrevoir le tout à long terme. Comme de raison, nous sommes dans la même situation que tout le monde et il nous est impossible de partir en tournée. C’est excessivement frustrant, étant donné que c’est notre premier album en six ans. Nous avions très hâte de quitter pour aller le promouvoir. Il faut comprendre que la priorité en ce moment, c’est la santé de tout le monde.

Un nouvel album, une nouvelle maison de disque et vous avez fait cette tournée dernièrement avec Vader. Le concert de Montréal était excellent, surtout pour un lundi soir. Est-ce que le tout est ressenti comme une bonne bouffée d’air frais?

Les choses vont bien en ce moment. Il y a de nombreuses personnes qui semblent bien heureuses de nous voir de retour. Les réactions face au nouveau matériel sont bonnes, vraiment. Nous avons eu l’opportunité de partir en tournée avant que toute cette folie face au coronavirus mette un arrêt à tout ce qui se passe. La tournée avec Vader nous a permis d’être mis en valeur car nous avions une place de choix sur la tournée. Nous sommes bien heureux de pouvoir travailler avec Season of Mist. Les gens du label sont des fans d’Abysmal Dawn et nous ne pouvions tomber mieux. 

La première pièce qui a retenu mon attention sur l’album est Coerced Evolution. J’aime vraiment le riff principal. Il est presque Voïvodien! Que peux-tu nous dire au sujet de cette pièce car j’ai l’impression que, malgré son côté accrocheur, elle demeure plutôt complexe à jouer?

Effectivement, il y a quelques trucs dotés d’une certaine folie dans cette chanson. Nous partons d’un riff syncopé qui possède une précision machinale. Ce riff est très groové et il se retrouve dans un tourbillon qui s’assure de bien se tenir dans ce que James (Coppolino, batterie)  joue et ensuite,  ça se promène autour. Nous avons d’autres instants aux accents originaux qui se retrouvent par-dessus le solo de Vito (Petroni, guitare) et qui demeurent plutôt ridicules. Justement, ce que Vito joue est ridiculement fou. Nous passons des mesures 4/4 à 17/16 pour revenir à du 4/4 pour y aller vers du 10/8. Je sais que ceci est probablement complexe pour les lecteurs qui ne comprennent pas la théorie musicale mais ceux qui ont des connaissances risquent d’apprécier! Je crois que James m’a dit, l’autre jour, que cette chanson est le truc le plus complexe qu’il n’ait jamais joué à la batterie! La chanson, en tant que tel, est un clin d’œil à In Service of Time. Nous l’avons tout simplement reviré de bord et avons décidé de prendre notre pied avec celle-ci. Je crois que c’est probablement ma chanson préférée sur cet album.

La chanson Soul-Sick Nation est, comme on le dit par ici, une chanson bien grasse. C’est une pièce de death metal avec de la viande autour de l’os! C’est un gros salut aux racines du genre. Donc, elle se voulait parfaite pour avoir un invité comme Fredrik Folkare d’Unleashed à la guitare?

Ouais, c’est la première fois que nous utilisions une guitare à 7 cordes pour un album. Cette chanson commence en mode très death metal de la vieille école mais elle se métamorphose en autre chose. La section médiane est un véritable défi à jouer, par contre. C’était un honneur d’avoir Fredrik sur cette pièce. Je ne crois pas l’avoir choisi spécifiquement pour jouer sur cette pièce, je n’avais pas de raison particulière autre que je n’avais pas encore de solo sur celle-ci! Je suis vraiment satisfait de sa contribution. Il propose ce qui est l’un des moments que je préfère sur l’album. 

Est-ce que Phylogenesis est un album concept? Ou c’est plutôt que toutes les chansons réussissent à se connecter et ce, naturellement?

J’ai entamé l’album avec un concept plutôt noble avec lequel je me disais que le tout allait bien coller ensemble. J’ai commencé à écrire les paroles et j’ai immédiatement détesté ça! Je n’avais pas de connexion personnelle avec mes paroles donc j’ai décidé de m’en débarrasser. J’ai tout recommencé à zéro. J’ai décidé d’y aller avec ce que je ressentais. Je crois qu’en fin de compte, toutes les chansons ont fini par se connecter de façon naturelle. Elles se rejoignent toutes à l’intérieur de cette sphère qui décrit bien comment notre société moderne peut nous rendre totalement fou.

Le mot Phylogenesis est au sujet de l’évolution des espèces. Avec ce titre, ce qui se passe avec le coronavirus en ce moment en plus de la façon avec laquelle l’être humain détruit la nature, la faune et son propre environnement, est-ce que tu crois que nous sommes allés trop loin? Que notre monde vient de changer et ce, pour toujours?

Est-ce que ça a changé? Certainement. Peut-on arranger certains problèmes que nous avons causés? Je crois que nous avons encore cette possibilité et cette capacité de le faire. Nous sommes sur le point de rendre notre propre planète inhabitable. Comme l’a déjà dit George Carlin : « La Terre sera bien correcte! » dans le sens où si nous ne sommes plus sur Terre, cette dernière sera encore bien présente! J’espère que nous pouvons faire mieux. Encore plus. Je suis né en tant que membre de la race humaine et de manière fondamentale, je suis de l’équipe des humains. Mais si nous n’y parvenons pas, ce ne sera pas une partie de plaisir. Si ceci est pour être la fin des temps, j’espère me trouver une orgie de grand calibre ou quelque chose d’autre d’aussi fantastique! Il n’est pas question que je reste assis sur mon divan, sobre et pieux.

   

Il y a un espace de six années entre l’album précédent, Obsolescence et celui-ci, Phylogenesis. C’est une éternité pour plusieurs mais pour que nos lecteurs comprennent bien que tu n’es pas resté à la maison en train de t’abreuver de bières délicieuses de nos microbrasseries québécoises en importation ou en mangeant des raviolis, j’aimerais que tu nous dresses un portrait large face à ce que tu as fait durant cette période.

Eh bien… il s’est passé de nombreuses choses. Nous avons fait des tournées. Je crois que nous avons fait quatre tournées nord-américaines, une en Europe et une en Amérique du Sud. Nous avons aussi fait quelques changements au niveau du personnel. De plus, je me suis mis à m’impliquer beaucoup plus au niveau de la production, de l’enregistrement et du mixage pour d’autres artistes. Nous avons écrit l’essentiel de l’album, et par là, je veux dire la guitare rythmique et la batterie, en 2016 et en 2017. Nous avons enregistré les percussions et les guitares rythmiques entre novembre et décembre 2017. Mais, nous n’avions pas encore de paroles, pas de solos ni de lignes musicales pour la basse à ce moment-là. Par la suite, des choses sont arrivées dans nos vies personnelles et nous devions nous en occuper. Tout ça a fait que le processus s’est étiré plus longuement que prévu, surtout que nous n’avions pas de délai à respecter.

Il y a une chanson en bonus sur l’album. C’est une reprise de Flattening of Emotions de Death. Tu as une relation plutôt intense avec la musique de Chuck Schuldiner. Peux-tu nous parler de la décision face à ce choix de pièce?

L’ajout de cette chanson a été un truc de dernière minute, lorsque nous étions en studio. James a réussi à faire ses prises de son aux percussions beaucoup plus rapidement que prévu. Nous avions donc du temps à tuer. Death est l’un de mes groupes préférés et il a toujours eu une place de choix et ce, tout au long de mon cheminement de vie. L’album Human a vraiment eu une influence capitale pour moi et je crois que c’est probablement mon préféré de Death. En 2012, j’ai eu l’honneur de jouer et de chanter les parties de Chuck Schuldiner lors de la première édition de la tournée Death to All. De pouvoir jouer avec quelques-uns de mes musiciens préférés est encore, à ce jour, l’une des choses les plus cool que j’ai pu faire. Donc, lorsqu’est venu le temps de choisir une chanson, le choix était plutôt évident.

Lorsque tout reviendra en mode normalité, à quoi peut-on s’attendre de la part d’Abysmal Dawn. Que ce soit pour le reste de 2020 ou même, 2021?

Un retour à la tournée, comme de raison! Nous avons quelques tournées qui sont reportées mais nous espérons faire un retour sur les routes vers la fin de l’automne, ou cet hiver. D’ici là, nous avons notre nouvel album et continuez de supporter vos artistes préférés. Ils ont besoin de vous, plus que jamais!

Merci Charles, prenez soin de vous!

Même chose pour vous!

 

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