Mercredi soir, à Montréal, Devin Townsend commençait son nouveau périple nord-américain avec les formations Haken et The Contortionist. Lorsqu’une tournée débute, la date initiale propose généralement un concert où l’on doit tester de nombreuses choses. Des trucs fonctionnent, d’autres pas. L’équipe est mise à rude épreuve et il faut avoir une grande capacité d’adaptation.
À 19h00 tapantes, le premier groupe de la soirée était sur la scène. On pouvait donc confirmer que tout roulait à merveille et que l’équipe de tournée se voulait solide. L’horaire se voulant respecté, il ne restait plus qu’à apprécier la justesse des musiciens qui s’affairaient sur les planches.
The Contorionist s’est donc produit devant un Corona déjà bien rempli. La balance de son était plutôt agréable pour un groupe en ouverture et on a immédiatement ressenti ce qui allait s’avérer le seul irritant de la soirée : la surconsommation des lumières stroboscopiques!
Formation américaine qui œuvre dans un style progressif métallique de grand calibre, j’ai rapidement compris pourquoi The Contortionist se retrouvait sur cette tournée. Musicalement plus près de ce que Haken peut offrir, les musiciens se sont figés sur leur instrument respectif pour nous offrir de bonnes progressions qui se voulaient parfois planantes, parfois plus musclées.
L’avantage d’avoir Haken en ouverture sur une tournée est d’avoir un condensé musical musclé face à la carrière du groupe. Ce n’est pas que le groupe demeure ennuyant lorsqu’il est en tête d’affiche, c’est plutôt que d’avoir Haken en mode incisif demeure excessivement satisfaisant pour l’oreille.
Lorsque les Anglais sont arrivés sur scène mercredi soir, c’était pour offrir un tour de piste serré, avec du matériel convaincant, qui devait plaire rapidement aux amateurs de Townsend. Sur les premières mesures de Puzzle Box, le technicien devait ajuster le son et le responsable des moniteurs se devait de bien balancer le tout pour satisfaire les besoins du chanteur Ross Jennings.
Plus précis et audible lors de A Cell Divides, c’est surtout lorsque le groupe a entamé Earthrise que les ingrédients ont bien pris. Par la suite, Nil by Mouth a impressionné par sa justesse et Cockroach King a su plaire aux amateurs des premières heures du groupe. Quand Jennings est revenu sur scène avec ses lunettes lumineuses, nous sachions que Haken nous préparait la chanson 1985.
Chanson entraînante qui possède un côté très 80’s dans sa livraison sonique, nous attendions tous le solo de keytar qui caractérise bien cette pièce. Comme je le disais, un début de tournée est synonyme d’ajustements. Nous avons bien vu le technicien de scène tenter d’aider Diego Tejeido à agripper la keytar pour se diriger devant la scène, mais sans succès.
Travail titanesque au niveau des guitares, les fanatiques de cet instrument étaient rivés sur les doigts agiles de Richard Henshall et Charles Griffiths tandis que le reste du groupe assurait pleinement.
Devin Townsend est arrivé sur scène et il s’est planté derrière son micro. Avec aisance, il a proposé quelques anecdotes et autres commentaires, en guise d’introduction. Accompagné par son nouveau groupe, Townsend a offert aux amateurs un concert qui avait plutôt des airs d’une pratique dans le local du groupe, tellement l’aisance était perceptible entre lui, son groupe et la foule.
Malgré le fait que Townsend ait sorti un nouvel album du nom d’Empath en 2019, il n’a aucunement ambitionné sur celui-ci. Avec ses nouveaux musiciens, dont Diego Tejeido de Haken aux claviers, l’homme aux 3 bass drums Morgan Ågren aux percussions, le guitariste de Dethklok, Mike Keneally, la superbe Ché Aimee Dorval aux voix et le bassiste Nathan Navarro, Devin et sa horde ont exploré le catalogue du Canadien avec une bonhommie déconcertante et une complicité, palpable.
Pour Devin, l’Amérique demeure une terre hostile. Il a expliqué que ce qu’il présente ici n’a rien à voir avec ce qu’il propose de l’autre côté de l’Atlantique. Effectivement, en Europe, Townsend offre des concerts hauts en couleurs (vous n’avez qu’à regarder son DVD The Retinal Circus) en ce qui concerne la parcelle visuelle mais pour l’Amérique, le budget est mis sur le son, uniquement.
Premier concert de la tournée, le groupe pouvait laisser libre cours à son imagination. Nous avons eu droit à quelques sessions d’improvisation, de l’amusement avec un soutien-gorge lancé sur scène, quelques lignes bien corrosives lancées aux musiciens en plus du port du tutu par Devin et une série de chanson, tirées de Ki, avec un kit de percussion qui avait des allures d’une valise.
Les modifications apportées sur quelques chansons se voulaient satisfaisantes. De rendre plus aérées des chansons comme War, Hyperdrive et Supercrush a réussi à nous garder l’oreille bien captive face à ce jam convivial.
Avec quelques années de recul, Devin se sent maintenant prêt à effectuer un retour dans le catalogue de Strapping Young Lad. Avec une relecture de Love?, j’ai pu pousser un immense sentiment de soulagement, étant donné que je ne m’attendais plus à entendre du matériel venant de cette portion de carrière.
Comme de raison, j’aurais aimé entendre du matériel provenant d’Ocean Machine mais d’avoir pu me délecter de la lourdeur de March of the Poozers m’a grandement plu. L’intensité de la voix de Devin sur Kingdom et l’explosion auditive de Genesis m’ont permis d’apprécier mon périple musical grandement, en plus de demeurer hypnotisé par le jeu précis de Morgan Ågren sur ses tambours.
Très haute est la barre face à ce spectacle qui risque d’être le moment le plus fort de mon année en concerts pour 2020. Si vous avez un billet pour vendredi soir, donnez-lui des bisous car il vaut amplement chaque cent investi!
Photos : Mihaela Petrescu