Maudiir nous provient non pas des profondeurs de l’Enfer, mais bien du plus glacial des hivers. Maudiir, comme le faisait jadis les sorcières, mais avec deux ‘i’ comme en Scandinavie. Métal de bord en bord, ce projet fait partie de ceux dont les sonorités sont parfaitement heavy, mais ô combien inclassables, où se mêlent habilement les influences et saveurs auditives les plus diverses.
Un peu comme ses soirées bien arrosées où, entre amis, on déguste toutes sortes d’excellentes bières de micro-brasseries. D’une petite pilsner bien claire à une sûre légère et bien acidulée, on descend ensuite une belle, mais trouble IPA, avant de passer à une double, un porter ou encore une stout impériale bien lourde, en souriant à pleines dents.
Avec Maudiir, on fusionne avec brio black, thrash et death mélodique, avec une touche de métal classique et de NWOBHM dans les acérés riffs. Le tout est l’œuvre d’un seul et même gars, un one-man-band, soit le chanteur-guitariste F., qui lance le tout premier EP de Maudiir, Le temps peste, aujourd’hui même sur Bandcamp.
Mais qui donc est ce mystérieux F.? Originaire du frigorifique fjord du Saguenay (le Morgoth de Voïvod), l’homme derrière ce projet, Fred Bergeron, n’est non pas un nouveau venu, mais bien un vieux routier de la scène métal underground montréalaise. Depuis déjà un bon quart de siècle, l’émérite guitariste prend son pied à forger les riffs les plus sick et les meilleurs solos possibles. Un tireux qui torche solide, comme on dit.
À part le black metal, qui est bien en avant dans le son de Maudiir, « le thrash métal est aussi bien présent et mon amour indéfectible pour Iron Maiden au niveau des solos et mélodies », d’avouer avec raison F., qui a d’ailleurs fait partie de plusieurs groupes rendant hommage à la musique du susmentionné groupe de Dave Murray depuis 1995 (soit Up the Irons, Power Slaves / Made in Iron et Metal Legends).
Au début du millénaire, on a aussi pu voir F. tenir la six-cordes au sein de Sin on Skin, avant qu’il ne s’attelle à un conceptuel projet sci-fi prog nommé Tears for the Dead Gods, qui a notamment partagé la scène avec le bon Joey Belladonna (Anthrax) en 2004. Par la suite, F. a également œuvré au sein du groupe prog death thrash Deeply Confused (avec nul autre que Yanick ‘Klimbo’ Tremblay au crachoir), avant de lancer en 2014 Trinity Blast, son projet prog thrash (auquel ont participé des membres de Suffocation et Augury).
Cependant, F. n’avait jamais touché ni micro ni au black metal auparavant. Pourtant, avec Maudiir, il a frappé direct dans le mille. Autant au niveau métissage de sous-genre que des vocalises juste assez éraillées pour qu’on puisse comprendre ses pessimistes propos. C’est qu’on retrouve beaucoup de hargne black bien placée dans ce quintette de compos. « Ça a vraiment commencé avec l’album Exercices in Futility de MGLA, que j’ai adoré; puis, j’ai plongé dans le vieux black, avec Satyricon, Burzum, Mayhem, Emperor… et les groupes que j’ai vus à la Messe des Morts », d’énumérer F. lorsqu’on l’interroge sur l’origine de son intérêt plutôt récent pour le black metal.
D’ailleurs, les textes (en anglais) des 5 titres s’éloignent pas mal des clichés du métal extrême : non, vous ne retrouverez pas de zombies, de tueurs en série ni de Satan ici. Il est surtout question d’enjeux de société, tels que mondialisation et industrialisation, ainsi que de l’emprise qu’exerce la pernicieuse technologie sur nos vies, notamment. Selon le principal intéressé, les textes plutôt sombres de Maudiir traitent d’« environnement, de société de consommation, de religion, de science qui déraille, sans vraiment proposer de solutions ». Comme sur Product, le premier simple dispo en lyric video, un trip dystopique qui jase de clonage. Bref, on est plus près de visions cauchemardesques de thèmes chers à Black Mirror que de Game of Thrones.
Évidemment, le guitariste s’est fait plaisir en façonnant un maudit beau paquet de mélodies de guit’ bétons, de blast beats dans le tapis, de hurlements qui déchirent, de solos au vitriol et même quelques moments momentanés plus introspectifs, qui viennent nous chercher juste avant de se faire re-rentrer comme y faut dedans. Comme lors de la finale impitoyable de l’épique Snakes of Creation, excellente dernière pièce du EP, closant parfaitement les hostilités. Lugubre à souhait.
Le temps peste inclut tout plein de riffs aussi corrosifs que galopants, qui rendraient très fiers autant un prêtre traître qu’une vierge de fer, risquant très bien de vous donner un sale mal de cou ou même soif de voir ça live on ne sait encore trop où (en espérant que ça sera pour bientôt). Sérieux, je vais devoir vous prendre par les sentiments, en avançant que Maudiir n’a rien à envier au blackened death/thrash de Skeletonwitch. Juré craché. Puissant en sacrament. Noir comme du goudron en fusion, ou comme une stout en fût de bourbon. Cheers!
P.S. Même Jean-François Rivard — métalleux et réalisateur des séries cultes Les Invincibles et Série Noire — adore ça : « très tendre, j’aime beaucoup » qu’il commenta, après avoir entendu Product. Fait que, pèse donc sur play, clair que tu ne vas pas le regretter.
https://maudiir.bandcamp.com