Le Best Ov 2017 d’Alexandre Duguay

L’an deux-mille-dix-sept est au bord de la péremption. Le moment par excellence afin de se lancer dans la rétrospection. J’veux pas vous mettre sur la grosse déprime, mais je regarde le monde aller, et ça tourne de moins en moins rond, me semble. J’aime pas trop la direction qu’on emprunte collectivement. Pas juste dans notre petit coin de pays, mais un peu partout dans le monde… Heureusement, y a encore des parcelles d’espoir, de belles choses qui se produisent dans le chaos ambiant.

Puis il y a encore et surtout du satané bon métal qui se fait. Assurément beaucoup trop de sorties (c’est pas nouveau) qui empêche de garder le cap. Mais en résumé, 2017 a laissé quelques perles mémorables (si peu) et plusieurs albums de qualité, corrects et honnêtes, mais interchangeables. D’ailleurs, cela a lourdement complexifié la tâche d’établir un palmarès béton. C’est vrai, quoi, j’aurais pu remplacer une dizaine de titres ici, par une vingtaine d’autres, selon l’humeur du moment. Mais je ne suis pas non plus gêné par ce TOP 15 qui reflète assez bien ce que j’ai sensiblement le plus écouté au cours de l’année.

15. BODY COUNT – Bloodlust

Même si le meilleur disque de Body Count demeure leur éponyme paru il y a de cela 25 ans, il faut admettre que le tout récent Bloodlust se défend plutôt bien. Le charismatique et habile orateur Ice-T frappe dans le mille avec No Live Matters. Et même si la présence de Dave Mustaine peut sembler paradoxale lorsque l’on compare le discours du rappeur au controversé leader de Megadeth, le solo de guitare qu’il injecte à Civil War est pour le moins bienvenue. Body Count a également eu la bonne idée de faire gueuler Max Cavalera sur All Love is Lost. Enfin, les tensions raciales qui sévissent encore entre les afro-américains et le corps policier américain donnent lieu à la solide Black Hoodie. Comme quoi plus ça change, plus c’est pareil…

14. SINISTER – Syncretism

Bien que je demeure encore et toujours convaincu que Diabolical Summoning (1993) est l’un des plus grands albums death metal de son époque, je n’ai jamais été fidèle au groupe danois Sinister. En fait, je n’accroche pas à la plupart de la douzaine de disques parus en 25 ans. Mais ô surprise, Syncretism est ce que le groupe a foutu de mieux depuis un sacré bail. Si le début de Dominance Acquisition fait tiquer car il s’agit d’une copie carbone de Stripped, Raped and Strangled de Cannibal Corpse, on oublie vite cette bévue lorsque l’on considère l’ensemble du résultat de ce disque foutrement efficace.

13. MIDNIGHT – Sweet Death and Ecstasy

Midnight ne gagnera pas de prix pour la plus belle pochette cette année, pas plus que de prix pour l’innovation au sein de la scène métal, mais barnack que c’est bon pareil. La formule « Motorhead fornique avec Venom » demeure et s’avère toujours aussi efficace, même au 3e album. On dira ce qu’on voudra, mais Athenar est une saloperie de machine à riffs pas tuable. Il n’y pas une seule toune plate sur ce Sweet Death and Ecstasy. Pas une.

12. DYING FETUS – Wrong One To Fuck With

Les gars de Dying Fetus étaient de retour dans une forme spectaculaire! La pause de cinq ans qui sépare WOTFW à Reign Supreme semble avoir fait grand bien. Pas que l’album précédent était mauvais, mais là, on se retrouve clairement quelques coches au-dessus en terme de… bien… de pas mal tout! C’est tight, violent, d’une précision chirurgicale et ça comprend tous les ingrédients sanglants pour obtenir le meilleur du death brutal. Une véritable tuerie.

11. MARTY FRIEDMAN – Wall of Sound

Le virtuose de la guitare « shred » comme peu d’instrumentistes savent le faire. Son équilibre entre feel et technique est ici démontré avec conviction. Côté écriture, l’ancien guitariste lead de Megadeth est manifestement inspiré, faisant de Wall of Sound, l’un des albums les plus aboutis et stimulants de sa carrière.

10. SPIRIFT ADRIFT – Curse of Conception

Guitares acoustiques, métal hurlant avec lignes épiques et ultra mélodiques, vous dites? Désolé Pallbearer, je vous aime beaucoup, mais mon choix est fait. Avec ce second disque, les gars de Spirit Adrift gagnent la palme du meilleur album doom de 2017. Sabbathiens, Khemissiens et Sermoniens, le moment est venu de se réunir pour accueillir Spirit Adrift dans le cercle des initiés.

9. THE NEGATIVE BIAS – Lamentation of The Chaos Omega

Le hasard fait parfois bien les choses. S’il ne m’avait pas fallu autant de temps afin de décortiquer ma liste de fin d’année, j’aurais découvert The Negative Bias trop tard. Ainsi, Lamentation of The Chaos Omega est venu chambouler mon plan initial et c’est bien tant mieux. Un black qui ramène à le seconde vague des années 1990 tout en conservant une sonorité moderne. Atmosphérique, parfois mélancolique, les blast beats et guitares arpégées sur Lamentation of The Chaos Omega se trouvent entrecoupées de passages plus lourds et menaçants. On entendra probablement trop peu parler de TNB, mais ce trio autrichien qui surgit soudainement dans mon univers musical livre l’album black de l’année. Rien de moins.

8. AKERCOCKE – Renaissance In Extremis

Dix ans séparent Renaissance In Extremis de l’album Antichrist. Il faut dire que le groupe britannique Akercocke avait mis fin à ses activités en 2012. Un retour plus que bienvenue donc, pour cette formation de métal extrême qui flirte avec le black, le death et le progressif. Riche en idées musicales stimulantes, ce 6e enregistrement studio force l’admiration et le respect. En plus des solides compositions livrées avec sincérité, la réalisation de Renaissance In Extremis met en valeur chacun des instrumentistes. Le disque requiert toute votre attention, mais celle-ci sera récompensée.

7. JUNIUS – Eternal Rituals for the Accretion of Light

Certains diront, qu’en théorie, Junius n’est pas un band métal. Mais en pratique, ces derniers flirtent beaucoup trop avec le post-métal et le métal alternatif pour qu’on les ignore. La direction musicale de l’ensemble du disque rappelle la seconde moitié des années 1990 avec Deftones, mais aussi Paradise Lost qui empruntait beaucoup d’éléments de la vague gothique/new wave des années 80 sur leur album One Second. Ça s’entend de manière assez évidente sur la fameuse Beyond the Pale Society. Mais au-delà de ces rapprochements, la formation de Boston ne possède pas moins de personnalité pour autant. Presque toutes les pièces se défendent très bien en contenant un refrain à la fois déchirant et accrocheur, faisant de ce disque, l’un des plus intéressants de l’année.

6. POWER TRIP – Nightmare Logic

S’étant fait remarquer en 2013 avec Manifest Decimation, le groupe thrash/crossover Power Trip confirme sa pertinence. Non seulement ça, Nightmare Logic est un disque qui démontre qu’il est encore possible de pondre des riffs efficaces et accrocheurs, même lorsque l’on suit les traces de Cro-Mags, Slayer ou D.R.I. Les fans de Toxic Holocaust trouveront également leur compte et seront peut-être enchantés de savoir que Joel Grind a mis la main à la pâte lors du matriçage de cet album, parfait en son genre.

5. ENSLAVED – E

Depuis Below The Lights, l’évolution des norvégiens d’Enslaved ne cesse de me surprendre et de me fasciner. La formation de black progressif a certes des éléments musicaux distinctifs, mais chacune des propositions possède sa singularité, sa propre identité. E n’y fait donc pas exception. Moins facile d’approche que le précédent In Times, E n’en demeure pas moins intéressant, tant au niveau des compositions que des arrangements qui réservent des moments propices aux orgasmes auditifs.

4. PERSONA – Metamorphosis

Dépassant l’heure bien sonnée de musique (près de 67 minutes pour être précis), Metamorphosis du combo tunisien Persona s’écoute aisément d’un bout à l’autre. Mettant en valeur sa charmante chanteuse (Jelena Dobrić), le sextuor de métal mélodique suggère un opus aux titres fort bien construits et inspirés. En ce qui me concerne, cette seconde proposition du groupe me renvoie au même genre d’enthousiasme que j’avais ressenti lorsque j’avais entendu Angel’s Cry d’Angra il y a de cela… 23 ans! Les fans de Megadeth, Paradise Lost, Dream Theater et Opeth devraient y trouver leur compte.

3. IGORRR – Savage Sinusoid

Compositeur, DJ et échantillonneur à la fois chevronné et minutieux, Igorrr récidive avec un délire musical aussi éclaté que jouissif. S’entourant de musiciens polyvalents issus de divers horizons musicaux, mais surtout compétents, on peut retrouver clavecin, guitares distortionnées, voix pure et opératique, hurlements déchaînés, échantillonnages humoristiques et breakcore sur une seule et même compo. Passant du jazz musette, à la musique tzigane et au klezmer (même en 8 bit) avec une rare aisance, ce Savage Sinusoid est un condensé de Mr. Bungle à la puissance dix. Conservant des éléments de métal dans à peu près tous les morceaux, la démarche musicale d’Igoor frôle le génie… ou la folie!

2. AETHER REALM – Tarot

Empruntant à Insomnium, Equilibrium, Kalmah, Wintersun ou encore Ensiferum, Aether Realm nous provient, étonnamment, des États-Unis. Tarot est le second enregistrement studio du quatuor qui, malgré une impression de déjà-vu à prime abord, surprend au fil des écoutes. Ce qui fait de ce disque un candidat capable de rivaliser avec les groupes ayant déjà faits leurs preuves, c’est que, malgré un imposant 74 minutes de musique, Tarot n’a pas de temps mort, pas plus qu’il ne contient de ce qu’on appelle en bon français, fillers. Assoiffés de melodeath : ne boudez pas votre plaisir par les moult références que risquent de ressurgir lors de la première écoute. Néophytes : Tarot est une excellente entrée en matière qui fait ressortir les meilleurs éléments de tous les groupes cités un peu plus haut.

1. AYREON – The Source

Ayreon est le projet du talentueux Arjen Anthony Lucassen qu’il entretient depuis 1995. Pour chacun des albums, le guitariste/multi-instrumentiste s’entoure de chanteurs(euses) et musiciens invités de renom. The Source est donc le 8e album concept à voir le jour sous cette entité. En plus de se lancer dans une aventure musicale d’une grande ambition, le résultat se révèle époustouflant. Présenté tel un opéra rock (ou métal si vous préférez), The Source, qui rassemble des éléments de tout un pan de la musique heavy et progressive, témoigne du talent d’écriture que possède Lucassen. Oscillant entres le métal progressif de Dream Theater, le récit conceptuel et musical à la Edge Of Sanity, l’aspect opératique de Queen(srÿche), le folk et le métal galopant de Maiden, ce disque n’est rien de moins qu’un accomplissement magistral. En plus d’une qualité de production irréprochable et ce, malgré le fait que les pistes proviennent de studios d’un peu partout dans le monde, ceux et celles qui favorisent les médias physiques bénéficieront d’un superbe livret, même si les textes s’avèrent le point faible de l’opus. Un détail anodin, quand on constate le talent de tous et chacun. Vous allez tout comprendre en regardant cette vidéo explicative associée à l’imposante et puissante pièce d’ouverture.

Mentions spéciales

Chansons de l’année 
HALLATAR – No Stars Upon The Bridge
KREATOR – Fallen Brother
CARACH ANGREN – Charles Francis Coghlan
BODYCOUNT – No Live Matters

Meilleur nouveau groupe
ULSECT – Ulsect

Meilleures parutions québécoises
HYBREED CHAOS – Entombed In Dark Matter
ORDOXE – Towards Eternity

Meilleur album pas métal
GRAVE PLEASURES – Motherblood

Déception de l’année
Toé qui chiale parce que j’ai pas nommé tel ou tel album. xox

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