Carnation : Entretien exclusif avec Simon Duson

Photo: Sarina Mannaert

Par Yanick Klimbo Tremblay

Je dois l’avouer, lorsque j’ai vu le nom du groupe, je pensais aux ‘tites cannes de lait du même nom. Quelque chose de bien inoffensif. En écoutant leur premier album Chapel of Abhorrence, je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien de bien laiteux avec ce groupe originaire de la Belgique. Carnation existe depuis peu et la formation en est déjà à son deuxième album avec cette galette morbide qu’est Where Death Lies. Il a été long avant de pouvoir m’entretenir avec Simon Duson, chanteur de Carnation car, avec la COVID, nos plans peuvent parfois être chamboulés.

   

Bonjour Simon. Premièrement, comment se déroule la situation en Belgique, en ce qui concerne la COVID-19? Comment ça se passe pour toi et peux-tu nous expliquer comment vous vous en sortez pour promouvoir un album comme Where Death Lies, sans pouvoir faire de concerts?

Malheureusement, la situation n’est pas très rose pour le moment. La Belgique est en plein milieu de son deuxième confinement, qui a débuté aux environs de la mi-octobre. Nos hôpitaux sont occupés à pleine capacité par des patients qui sont atteints de la COVID-19 et la population entière doit adhérer à des règles excessivement strictes pour éviter de propager la maladie. Nous croyons que ce confinement durera au moins jusqu’à la fin de 2020, et même un peu plus longtemps. C’est très difficile de promouvoir l’album en ce moment. Les temps sont difficiles. De pouvoir proposer des performances sur scène demeure notre force et l’absence totale de concerts a un impact direct sur la promotion ainsi que sur les ventes de Where Death Lies. Les groupes tentent généralement de suivre le momentum qui suit la sortie d’un album pour embarquer sur une tournée, qui deviendra des tournées, d’autres plans de festivals et opportunités. Pratiquement tout a été annulé ou reporté. Avec l’incapacité de pouvoir jouer sur scène, nous avons opté pour tourner plusieurs vidéos promotionnelles pour accompagner l’album. Nous avons travaillé sur des vidéos de performance, des playthrough, qui présentent nos nouvelles chansons. Ce sera important de garder Where Deah Lies pertinent, jusqu’à ce que nous soyons prêts à repartir en tournée autour du monde.

Cet entretien est votre premier contact avec la province de Québec. Étant donné que Carnation est comme un tout nouveau groupe pour plusieurs personnes, peux-tu nous parler des origines de Carnation?

Carnation a été formé en 2013. Notre guitariste, Jonathan Verstrepen, a fondé le groupe comme un projet en parallèle. Il a pris le temps de contacter quelques musiciens qu’il connaissait de la scène métallique belge, dont moi. Après quelques mois, une première version du groupe a été créée et cette version ressemble à celle qui est encore présente aujourd’hui. La plupart des membres provenait de la scène thrash metal et ils étaient plutôt actifs dans cette dernière. Par contre, nous avions tous un amour plutôt intense pour le death metal, ce qui nous a menés vers cette collaboration. La sortie de notre mini-album Cemetary of the Insane a connu un certain succès dans la scène underground death métallique, autant en Belgique qu’en Allemagne. Les choses allaient bien pour Carnation et le groupe est passé de projet en parallèle à formation principale et ce, pour tous les membres. Depuis ce temps, nous avons été très occupés. Nous avons lancé deux albums complets, Chapel of Abhorrence et Where Death Lies, avec le label Season of Mist, en plus de quelques autres productions. Nous avons fait quelques tournées en Europe, au Japon, au Brésil et au Royaume-Uni pour pouvoir promouvoir notre matériel. Honnêtement, nous adorons jouer sur scène et nous sommes conscients de notre chance de pouvoir le faire, partout dans le monde.

Sur ce nouvel album, j’ai l’impression que vous vouliez explorer un peu plus au niveau du son, est-ce possible? Ce que je veux dire par là, c’est que sur Chapel of Abhorrence, il était possible de bien entendre les influences suédoises, quoiqu’elles soient plus subtiles sur Where Death Lies.

Je suis bien content que tu aies remarqué ça. Nous voulions définitivement expérimenter un peu plus sur cet album, comparativement au précédent. C’était bien d’y ajouter quelques éléments nouveaux, plus subtils, dans notre son et dans notre style de composition. Ce type de changements est important pour nous, en tant que musiciens car ça garde le tout bien frais et intéressant. Nous avons pratiqué énormément et fait de nombreuses tournées lors des dernières années. Ces expériences nous ont rendus meilleurs face à notre façon de faire et de travailler. Par exemple, sur notre nouvel album, nous retrouvons beaucoup plus de portions de lead guitar et nous varions aussi le style des voix. Cela nous permet d’ajouter de nouveaux ingrédients à notre identité musicale, qui ne se retrouvaient pas nécessairement sur nos sorties précédentes.

C’est assez inusité qu’un groupe lance un mini-album suivi d’un album enregistré en concert, au Japon! Comment peux-tu nous expliquer cette façon plutôt particulière de faire les choses?

Comme je te le disais précédemment, notre premier EP, Cemetary of the Insane, a attiré beaucoup l’attention en 2015. Nous sommes entrés en contact avec de nombreuses personnes et une tournée au Japon a été rendue possible grâce à certains contacts. En 2016, nous avons été invités au festival Asakusa Deathfest, à Tokyo. Après le concert, le technicien de son du festival nous a annoncé qu’il avait enregistré notre prestation, au complet. Le résultat était plutôt cru mais c’était énergique! Ça valait la peine de lancer le tout et nous avons profité de cette opportunité.

Par la suite, signature avec Season of Mist, une compagnie majeure dans le domaine métallique. Comment est arrivée cette entente?

Après la sortie de Cemetary of the Insane en 2015, nous savions que notre prochaine étape était de se remettre au boulot et d’écrire un album complet. Nous voulions lancer notre premier vrai album. Ce premier album pourrait atteindre encore plus de gens, si l’on compare avec le mini-album. Nous avons donc mis la barre très haute et nous devions nous surpasser avec ce disque. Nous ne voulions pas uniquement sortir un truc pour garder le nom bien vivant, nous devions atteindre un nouveau standard de qualité. Je crois que nous avons pris environ deux ans pour terminer l’écriture et pour enregistrer Chapel of Abhorrence. Une chanson comme Hellfire, par exemple, a été écrite il y a tellement longtemps mais nous avons continué de faire de changements dans sa structure et dans les paroles, pour améliorer le tout. Finalement, quand nous avons atteint la satisfaction avec l’album complet, nous avons contacté notre agence de management, District-19, pour leur présenter l’album. Nous travaillions avec eux depuis quelques mois déjà. Notre collaboration avait débuté à la suite du lancement de l’album en concert. Ils étaient agréablement surpris par ce que nous avions à présenter et ils avaient commencé à parler avec quelques labels face à une signature potentielle. Après quelques temps, il était évident que nous avions quelques options sur la table mais c’est Season of Mist qui se voulait le choix le plus intéressant. Nous avions l’impression que c’était le choix le plus évident. C’est une compagnie solide et nous pouvions nous fier à leur réputation. Nous sommes avec eux depuis trois ans et nous sommes très satisfaits d’être avec eux.

Retournons au nouvel album. Nous retrouvons tous les thèmes classiques dans les paroles et les titres. J’ai comme l’impression que tu vas un peu plus loin que les sujets horrifiques. Que peux-tu nous dire au sujet d’une chanson comme Spirit Excision?

Le protagoniste dans les paroles tente désespérément de s’échapper de son corps humain qui se veut, imparfait. Il rêve d’une vie où il serait un être spirituel qui n’aurait plus aucun attachement au monde corporel. Les paroles décrivent comment il tente d’y parvenir et les moyens qu’il entreprend afin de subir cette métamorphose. L’autre personnage, qui aide le protagoniste principal à atteindre son but, finira par le trahir et enferme son esprit, le laissant avec son corps et sans cette liberté spirituelle qu’il recherchait tant. Le résultat final est qu’il ne réussira pas à atteindre son objectif et il vivra encore plus de restrictions qu’au moment de sa forme originelle.

Et que peux-tu nous raconter face à Napalm Ascencion?

C’est assez similaire à Spirit Excision. Cette chanson parle d’essayer et de tenter d’atteindre un « domaine » qui se veut différent. C’est de vouloir s’échapper de cette détérioration que doit subir l’enveloppe corporelle avec les années. Dans ce cas-ci, le personnage dans les paroles tente d’atteindre cet état en s’infligeant une auto-immolation. Il désire brûler cette carcasse corporelle qui emprisonne son esprit. De nombreuses paroles sur Where Death Lies parlent du fait de vouloir atteindre un stade de réincarnation, l’immortalité ou la métamorphose. Je me demande souvent : « Jusqu’où les gens sont-ils prêts à aller pour atteindre ce genre d’objectifs? Seraient-ils prêts à mourir, au nom de leurs croyances spirituelles plutôt zélées?» Je crois que certaines personnes en seraient capables. Ce ne serait pas surprenant quand on considère que l’histoire humaine est remplie de fanatisme religieux et d’endoctrinement.

Je me demandais si l’album a été écrit ou enregistré durant la pandémie de COVID-19? Ou est-ce que l’album était déjà prêt mais Season of Mist a décidé de repousser la date de lancement?

On dirait que c’est le cas mais il n’en est pas ainsi. La pandémie n’a eu aucun impact sur l’album. La majorité de l’album a été écrite lors de la seconde portion de 2019, avant et après nos tournées japonaises et anglaises. Après les Fêtes, nous avons eu des discussions avec Season of Mist au sujet d’une date de lancement en 2020, en leur confirmant que nous souhaitions le faire en septembre 2020. L’enregistrement a débuté au début de février et nous avions tout terminé, au niveau des instruments, lors de la seconde semaine de mars. C’était juste avant le premier confinement en Belgique. Pendant le confinement, il nous a été possible d’enregistrer toutes les voix et ce, de façon sécuritaire. Le premier avril, nous avions terminé le mix du nouvel album, tel que prévu et nous avons communiqué avec le label en plus de notre gérance. Tout était coulé dans le béton et l’album est sorti à la date prévue.

Étant donné que tout est annulé au niveau des concerts et des festivals, je voulais savoir si vous aviez des plans prévus pour l’Amérique, avant que tout n’éclate? Peut-être pas une tournée complète mais au moins une présence lors d’un Deathfest, car nous en avons un maintenant à Montréal.

De faire de la tournée en Amérique est un sujet qui a été discuté au niveau interne et ce, depuis longtemps. C’est pour arriver, à un moment donné. Nous allons devoir attendre l’occasion parfaite. Season of Mist est très présent en Amérique du Nord et cela nous a grandement aidés à atteindre un plus large public, surtout au Canada et aux États-Unis. Malheureusement, de pouvoir jouer sur votre continent est excessivement coûteux, c’est pourquoi nous devons avoir l’assurance de couvrir tous nos frais avant de faire cette grande traversée.

Donc Simon, merci pour ton temps et prenez soin de vous!

Merci Yanick et santé à tous nos fans du Canada et du Québec!

L’album Where Death Lies est disponible sur Season of Mist.

www.carnationband.com