Entrevue avec James Farwell (BISON)

bison vancouver

Les chouchous du stoner ouest-canadien Bison sont de retour avec un excellent successeur à Lovelessness paru il y a cinq ans déjà. You Are Not The Ocean You Are The Patient opère cependant un changement important dans le son du groupe, s’éloignant de son côté viking festif au profit d’une approche plus intello, mais toujours aussi directe et puissante.

Au Boulevard on a vraiment aimé l’album qui joue en rotation forte dans la Tesla de notre comptable. C’est pour ça qu’on a voulu jaser avec James Farwell, compositeur principal, chanteur et guitariste pour l’orchestre.

Même si James n’avait pas trop l’air au courant que j’allais l’appeler, il a été généreux de son temps et dans ses réponses, longues, réfléchies et ponctuées de quelques frondes. Je lui ai parlé en direct d’une microbrasserie de la Basse-Ville de Québec.

BB – James, il a fallu attendre cinq ans avant d’avoir un nouveau LP de Bison. Que s’est-il passé durant cette période?

JF – On n’est plus avec Metal Blade Records, on a changé de bassiste et on a fondé des familles. Dans le fond, je te dirais qu’on a étendu le spectre de notre existence. On s’est intéressé à la vie qu’on a, en tournant moins, en reprenant le contrôle de notre musique et du processus de création.

Jeff prend un pause. Il ponctuera ses réponses de la sorte jusqu’à la fin de l’entrevue. Et il reprend.

J’te jure, ça été notre meilleure expérience d’écriture. C’était assez sobre comme processus ce qui nous a permis d’être davantage déterminés à atteindre le son qu’on cherchait. La cohésion était meilleure aussi. Il était temps.

Jeff raconte qu’il a commencé à écrire Your Are Not The Ocean un an après la sortie du EP One Thousand Needles (2014). Ensuite son fils est né, la famille a déménagé à l’extérieur du centre de Vancouver où il a aménagé un bureau dans lequel il pouvait créer. C’est là que l’écriture s’est terminée, en 2016.

Et l’effort en vaut la chandelle. You Are Not The Ocean est un tour de force de 40 minutes dans lequel se déploie toute la force de frappe de Bison, mais complété par une foule de petits détails qui raffine la formule.

JF – C’est sûr que ça aide de composer un album quand personne ne te pousse dans le derrière pour que tu pondes un album, pour faire rouler la machine, pour faire de l’argent et pour honorer ton maudit contrat. Dans ces conditions-là, tout ce que tu veux, c’est de le rompre ton contrat mon chum, j’t’assure.

Mais attention, ça ne veut pas dire que Jeff et sa bande ne sont pas fiers des albums créés sous la bannière Metal Blade. Ces albums ont tous été encensés par la critique spécialisée en plus.

JF – C’est juste que tu sais, pour album-ci, on s’est assis sur les chansons pendant quoi, un an? Ça m’a permis de travailler sur plein de p’tits trucs et de faire avancer des idées à temps perdu. C’était très bien comme manière de procéder, on n’avait pas de rush, on s’envoyait les tounes par email et ça évoluait. Enfin, on n’avait pas de pression de la compagnie de disque, c’était notre manière de s’échapper de tout ça.

trudeau bison

Maintenant c’est un nouveau chapitre pour Bison, un nouveau chapitre dans lequel personne ne leur demandera de sonner comme Mastodon. «On a donné pour ça et ça ne correspond pas à ce que l’on est».

BB – De toute manière, vous sonnez pas comme Mastodon pantoute avec le nouvel album, vous êtes plus dans le post-métal einh?

JF – (agacé) De quoi tu parles, c’est quoi ça?

BB – Bin en préparant l’entrevue je suis tombé sur plusieurs articles qui mentionnaient votre virage post avec You Are Not The Ocean. Je trouvais ça drôle, parce que ce n’est pas tout à fait le cas.

JF – (insiste, presque amusé) Ouin, mais c’est quoi le fucking post-métal?

BB – Ah, c’est comme ça qu’on parle des groupes comme Neurosis, ISIS et Cult Of Luna

JF – (qui fait comme s’il n’avait pas compris avant) Ahhhh, c’est flatteur, mais ça pas rapport bin bin…

BB – Je sais! En gros les journalistes soulignaient ça en parlant de Tantrum qui est plus lente…

JF – (crampé bin raide :D) bin oui, puis y’a du violon en plus dans cette toune! Bin maudit, on fait du post-métal!

Après une pause prolongée, Jeff laisse tomber, «c’est quand même tout un cirque ça quand même, tu trouves pas?».

Je trouve Jeff, mais des fois, les étiquettes de styles, ça aide à se faire comprendre par tes lecteurs. Mais bon. Passons.

BB – Donc, là, dis-moi Jeff comment vous avez rencontré Robin Staps et que vous avez conclu une entente avec lui et Pelagic Records?

JF – L’album était prêt dans nos disques durs et on ne savait pas trop quoi faire. On ne voulait pas le proposer à un autre label et un de nos amis nous a juste dit ‘’hey, vous devriez parler à Robin’’. On avait déjà tourné avec lui et The Ocean. Le gars est un emmerdeur, mais il sait comment runner une business crois-moi. On a échangé des courriels, puis je lui ai envoyé quelques démos, puis d’autres et tout s’est fait vraiment facilement.

BB – Un emmerdeur? Je l’ai trouvé un peu carré quand je l’ai interviewé, mais je ne serais pas allé jusque-là non?

JF – Non, mais le gars est crazy sérieux, mais ça opère. C’est peut-être un préjugé, mais il me semble tout à fait Allemand dans sa façon d’être, mais hey, avec lui, il n’y a pas de bullshit. C’est un musicien qui comprend la réalité des autres, il a mis sur pied un bon label juste assez diversifié et il fait ses trucs sans se soucier des tendances, comme les journalistes dont tu me parlais tantôt et qui prétendent être des génies parce qu’ils ont inventé un style de musique. Robin n’est pas de même.

Et je confirme que Robin Staps déteste l’existence même du mot post-métal.

Puis Jeff revient sur Robin : «j’ai trouvé qu’il avait pas mal grossi aussi, mais bon».

BB – Jeff, je veux maintenant te parler de la critique indépendante. Certains sites sont fréquemment  montrés du doigt parce qu’ils font dans le clickbait, mais quel est le rapport de Bison avec cette presse en ligne?

On a toujours eu une bonne réception pour nos albums. Les gens qui prennent la peine d’écouter aiment ça même si souvent je ne comprends pas pourquoi les gens écrivent sur la moitié des groupes qui se trouvent sur ces sites… De quelle partie de leur cerveau les gens se servent-ils coudon’? Il y a vraiment du monde qui aime ça?

Puis Jeff analyse : je pense qu’au final j’aimerais mieux avoir davantage de critique, moins de clowns qui disent qu’on sonne pas assez comme Mastodon. Ça, ça n’aide personne. Je veux quelqu’un qui s’intéresse à nous pour ce que l’on est, pour ce que l’on a à proposer et comment on contribue à notre communauté artistique.

«Puis c’est pas parce que t’es un gars cool avec des tattoos que ça va passer si tu dis qu’on fait du beard metal ou du skate thrash

Est bonne!

BB – Parlant de ces sites sur lesquels sont publiées des nouvelles aussi, j’imagine que tu as lu sur Decapitated et ces allégations de viol collectif qui pèsent sur les membres? Tu en penses quoi?

Ça sent pas bon mon chum. C’est sûr que ça sera une occasion pour les gens de l’extérieur de dépeindre le groupe et la scène comme une bande de gros attardés fâchés qui vouent un culte à Satan. Mais dans mon cas, je me range du côté des victimes. Je sais que la justice doit opérer et que souvent, c’est long, mais jusqu’à preuve du contraire, je serai toujours avec les victimes.

Puis c’est là que ça devient intéressant.

Tu sais, j’ai été témoin de situations où tu le sais que ça pourrait mal finir. L’adrénaline du concert, la booze, les fans… faut mettre la limite et surtout, ne laisse personne entrer dans le tour bus… Mais bon, il y a toujours cette question de séparer l’art des personnes qui le cré. Est-ce que Decapitated écrit des chansons qui incitent au viol? Non. Donc rendu là je ne sais pas.

Et Jeff s’anime.

Eille, c’est drôle, je pense à ça. Mötley Crüe, lis leur bio et c’est assez difficile de ne pas conclure qu’ils ne sont pas des violeurs.

Jeff a raison, j’imagine : les temps changent et c’est sans doute une bonne chose que le comportement abusif de certains membres de la communauté musicale soit dénoncé. Mais pas si ça ouvre la porte aux amalgames.

On ne peut pas dire que ce n’est pas une question intéressante, mais il est temps de remercier Jeff.

BB – Merci Jeff, ce fut un super entretien, il ne me reste plus qu’à te demander, pour les fans de Montréal et du Québec, quand est-ce qu’on vous attend sur la côte est?

JF – Faudra être patient, mais on sera là en 2018 c’est sûr.

Et pour nous faire patienter, Jeff nous suggère de découvrir Haggatha et Brass, deux groupes locaux de Vancouver qu’il affectionne particulièrement.

Évidemment, on continue d’écouter You Are Not The Ocean You Are The Patient et on se voit bientôt.

Salut man, c’était cool.

Salut Jeff, merci.

About Jean-Simon Fabien

Journaliste, chroniqueur @CamuzMontreal, clé à molette, fan de stoner-rock et des Maple Leafs du Toronto (mettons...). J'ai mon bac brun dans #RosePatrie aussi