Entrevue avec Get The Shot

get the shot interview

Quand Sebbrutal m’a demandé de faire une entrevue avec Get The Shot, le quintette hardcore de Québec, leur album à paraître demain n’était pas encore disponible en streaming intégral sur le site de Metal Injection, mais ça sentait déjà très bon pour le groupe.

Reconstitution.

Sebbrutal : eille mon p’tit soda de bonyenne, ça te tentes-tu de faire une entrevue avec Get The Shot, la rumeur est bonne autour du prochain album.

JS : ouais ça l’air de brasser en batèche. Dis-leur qu’on va aller boire une bière pis j’te fais ça.

Je suis donc allé m’asseoir avec JP et Dany du groupe à la pas tant chic Ninkasi rue Saint-Jean où je me suis commandé une IPA houblonné, Dany une À tout le monde (bin oui!) et JP un verre d’eau. On a jasé scène locale et éthique do it yourself  pour une p’tite demi-heure, comme des chums de longue date.

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Infinite Punishment est un exercice assez intéressant pour le groupe hardcore. En continuant d’arpenter les terrains qui font sa marque de commerce depuis ses débuts, le groupe a intégré des éléments de thrash metal de manière assez convaincante. Un choix stylistique intéressant considérant que les amateurs de ces deux genres sont plutôt puristes et plus ou moins friands de « party mix » musicaux.

JP : C’est sûr que quand tu prépares ton troisième album de hardcore, c’est toujours un peu compliqué de se réinventer. Ça demande plus de challenge. Mais j’ai grandi en écoutant du thrash et j’ai été initié à la musique extrême par ce style-là et je pense que c’est important en vieillissant de faire ressortir ces racines-là.

Dany : Il y a aussi le fait que depuis le dernier album, on a fait quoi? 200 shows? Alors on a passé beaucoup de temps dans la van. Moi je viens du punk-rock, mais les gars m’ont initié au métal, pis quand tu rentres là-dedans, tu commences à découvrir plein de sons. Tu tombes sur du death, après tu passes au groove, au doom et au black. Alors je pense que tout ce qu’on a écouté les cinq gars ensemble a fini par transparaître.

JP : C’est aussi le deuxième album de Get The Shot qu’on fait avec cette mouture-là, avec les mêmes gars, alors c’est sûr que le son a pris de la maturité et s’est raffiné avec le temps.

Faut dire que pour obtenir une crédibilité metal, les gars ont repêché Chris Donaldson de Cryptopsy pour l’enregistrement de Infinite Punishment. Disons que le bonhomme n’a rien à prouver.

JP : Quand vient le temps d’enregistrer, tu veux trouver quelqu’un qui va donner la couleur que tu recherches au son que tu veux mettre de l’avant. C’est sûr qu’en choisissant Chris, on voulait avoir cette twist metal pour l’album.

Mais JP prend une pause et prend bien le temps d’avoir mon attention. Il poursuit.

JP : J’ai aussi écouté ce qu’il avait fait par exemple avec Obliterate pis je me disais, wow, le gars travaille bien techniquement. Il a un son large, un son lourd et c’est ça qu’on cherchait. Et en tant que tel, des bons producteurs dans ce genre de musique-là au Québec, y’en a pas tant que ça.

Dany : Oui est allé travailler avec l’équipe du Grid Studio pis Chris, mais c’est nous qui avons produit l’album. Lui a ingenieré parce que justement, on connaissait ses forces tsé, les low ends, le son de la bass, etc. Mais même dans la production qu’on a fait, JP surtout, on est allé dans des zones qui sortaient des sentiers battus pour Chris. Lui, il est habitué à des sonorités mathématiques, tandis que nous autres, on est un peu plus organique, viscéral, fak on l’a amené à d’autres places.

C’est en quelques mots la définition d’une relation saine entre un groupe et son ingénieur.

Dany : Ouais, c’est là que la rencontre s’est faite. On est sans compromis, mais on est ouvert au dialogue.

Get the Shot a beau être signé sur New Damage Records, une maison réputée dédiée au hardcore sous toutes ses formes (voir Cancer Bats, Cardinals Pride, Comeback Kid, Architects), mais l’ADN du groupe est inextricablement lié à l’éthique DIY. Dany l’a évoqué dans sa précédente réponse : le groupe est ouvert artistiquement aux suggestions, mais sera toujours farouche à donner à qui que ce soit les proverbiales « clés du char ».

Dany : D’un point de vue gestion, j’ai quand même de la difficulté à laisser ça à d’autres acteurs : un label, un gérant, etc. Je fais encore beaucoup de microgestion pour plein de petits détails, pour finalement garder Get The Shot au plus près de nous, de ce que l’on est. Tsé y’a plusieurs réalités au sein du band. On a des jobs, y’en a qui sont papa, donc c’est trop important pour tout laisser à un tiers.

Pour JP, l’éthique DIY est le principe de base d’une scène qui ne peut exister sans une authenticité du groupe envers son public, voire même une réciprocité. La seule éthique qui permet finalement d’être véritablement un band hardcore.

JP : Je pense qu’il n’y vraiment juste dans cette logique que l’on peut garder une proximité avec son public. Donc s’il y a des kids qui nous écrivent, c’est sûr que c’est nous qui leur répond. C’est probablement la chose la plus enrichissante dans cette musique-là. Je pense que c’est important de ne pas céder complètement à la logique industrielle pour pouvoir garder ce lien-là.

Dany : Nos amis, ceux qu’on considère comme notre famille, c’est ceux qu’on a rencontrés dans nos premières tournées, où on faisait des spectacles dans des squats. Ils sont encore là, même si lors de notre dernière tournée, on était avec Comeback Kid par exemple devant des milliers de personnes.

get the shot band interview

Le hardcore est certes une musique agressive, mais elle incite aussi à la fraternité, la rencontre intellectuelle, émotive et physique. L’art hardcore est moins total que ce que proposent les groupes post de toute tangente, mais son intensité et sa sincérité ne sauraient laisser personne perplexe quant à la totalité de son expérience scénique.

JP : Ce qui distingue le hardcore des autres types de musique, c’est que justement, il n’y a pas de distinction entre le groupe sur la scène et le public. On est une communauté et pour moi, ce rapport-là est fondamental que tu joues devant 20 ou 1000 personnes.

On va se le dire, au Boulevard on parle pas souvent de Québec, l’occasion était bonne de jaser avec les gars, qui en ont vu passer des groupes et des époques dans la capitale, de comment ça s’passe dans l’418.

JP : Je considère qu’on a la plus belle scène locale au Québec depuis 2012. Il y a plein de kids qui lancent des initiatives pour créer de la nouvelle musique et je pense que même Montréal n’a pas cette aura-là.

Dany : Et qu’une salle comme l’Anti soit constamment sold-out, c’est un signe de plus de cette effervescence. Il y a une certaine époque, c’était impensable de remplir une salle de 200 places.

Note de l’auteur : il fût un temps à Québec ou le punk hardcore c’était gros de chez Gros Dépot dans Vanier. Fifth Hour Hero ou Mi Amore – qui a même enregistré chez Kurt Ballou – à l’âge d’or de salles comme l’Harlequin, la Fourmi atomique, l’ancien Anti ou du Kashmir, sont de bons exemples.

JP : Il y a beaucoup de gens qui sont nostalgiques du début des années 2000 à Québec, mais j’ai pas l’impression qu’on a quoi que se soit à envier à cette époque-là. Et surtout du côté hardcore, le milieu est beaucoup plus inclusif, on fait plus de place aux jeunes et ça, c’est gagnant pour tout le monde.

Il faut dire que c’était une époque où c’était plus rough sur la scène et hors scène.

JP : Oui, tu as raison, mais pour moi ça n’a jamais été que ça le hardcore. Il ne faut pas oublier les racines communautaristes.

Mais malgré l’apparente violence dans les shows de hardcore (et de que l’on peut voir dans les clips de Get The Shot), le groupe assure que tout se passe entre mélomanes consentants.

Dany : Tout le monde est invité, que tu sois un fan de metal, de rock ou que tu sois trans, ou âgé de 60 ans. Nos shows sont des safe zones. Bon oui, si tu t’approches du pit tu peux recevoir un coup, on appelle ça la « casualty of the core ».  Mais ça te donne le droit d’en donner aussi!

(on a ri beaucoup et on a commandé d’autres pintes).

Puis JP nous ramène à l’ordre avec un peu de sagesse.

JP : Mais à la base il y a quand même un paradoxe. Oui on dit que c’est safe et que c’est inclusif, mais un show hardcore, c’est important que ça demeure la manifestation d’une culture agressive. C’est important que ça reste un exutoire et que si les gens ont envie de se défouler, qu’ils puissent le faire.

Et je terminerai cet article avec une paraphrase de ce qu’a dit Dany avant que je ferme mon dictaphone. C’est vraiment ce qui, je pense, résume le mieux l’esprit de cet entretien : le combat est à l’extérieur de l’enceinte du show, à l’intérieur, c’est la famille, dehors unissez-vous et choisissez vos combats… et « prenez la shot » pour vos convictions.

Merci les boys.

About Jean-Simon Fabien

Journaliste, chroniqueur @CamuzMontreal, clé à molette, fan de stoner-rock et des Maple Leafs du Toronto (mettons...). J'ai mon bac brun dans #RosePatrie aussi