La légende de Gustafsson – 1ère partie

Par Pascal Doyon

Je suis un vétéran. Ça va faire bientôt 20 ans que je vais dans des shows de musique, essentiellement des shows punk ou métal. Je me souviens d’une fois où je suis allé voir un festival de musique à Sherbrooke, je pense que c’était lors de la fête du lac des Nations. Ou autre chose? Je me souviens plus. Osti que la musique était mauvaise. Non seulement je l’aimais pas, mais clairement c’était pas de la musique de party. Et pourquoi j’étais là vous allez me demander? Je vais seulement dire qu’une fille était impliquée dans l’histoire.

Mais aujourd’hui, c’est pas de ça que je veux vous parler, je veux vous raconter la première partie d’une légende. Un homme anonyme pour moi et mes ami(e)s metalleux qui vont dans des shows depuis longtemps. Nous l’avons surnommé Gustafsson.

Vous le savez comme moi, dès qu’on va dans une foule, y’a toujours des éléments qui ressortent. Quand je parle d’élément, je parle du monde. Mon bon ami et moi-même remarquons souvent ces gens lors de shows. C’est comme ça, c’est plus fort que nous. Soit parce qu’ils sortent du lot pour les bonnes raisons, ou de moins bonnes. Et quand vous allez régulièrement dans des shows, ben nécessairement vous allez revoir un moment donné les mêmes personnes. La scène métal à Montréal est grosse, mais pas si grosse que ça.

Pour qu’un show soit mémorable, il faut non seulement une bonne performance de tous les bands sur scène, une foule bien électrisée (pas littéralement, quoique ça serait mémorable pour les survivants) et une ambiance solide. Mais ce n’est pas juste ça qui peut rendre un show légendaire. Des événements étranges, des personnages bizarres, un mélange de malaises sur scène et de mauvaise compréhension de la foule peuvent parfois laisser un souvenir impérissable.

Je me souviens il y a bien longtemps, lorsqu’il y avait encore du monde qui pensait qu’en 2000 on allait être dans des voitures volantes, je suis allé voir un show de Satanic Surfers. À Sainte-Madeleine. Oui, le même village avec le fameux camping sur le bord de l’autoroute 20. Dans une cabane à sucre. On était une cinquantaine de personnes GROS maximum. La moitié venait de mon école secondaire. Le son était atroce. Le band se demandait sûrement ce qu’il foutait là. Mais je me souviens encore de ce show à ce jour, parce qu’on avait fait un moshpit in-fucking-sane. Personne de blessé en plus. On en parlait encore le lendemain à l’école, et je m’en souviens encore aujourd’hui.

Ou encore un des nombreux shows de Children of Bodom que je suis allé voir. Ça ne faisait pas longtemps qu’ils étaient la tête d’affiche de leur tournée, c’était au défunt Medley si je me souviens bien. Y’avait un gars en face de nous qui était saoul comme j’ai rarement vu, dans la file dehors. Il n’arrêtait pas de hurler «CHILDREEEENNN». Il continuait tout le long des autres bands. Lorsque Children est finalement arrivé sur scène, le gars était endormi dans le coin de la salle, avec sa copine qui a tout fait ou presque pour le réveiller et s’est finalement écoeurée et a abandonné.

Tout ça, c’est de belles anecdotes, mais c’est rien à comparer mon sujet principal, Gustafsson.

Un Viking, un vrai

Gustafsson, c’est l’image qu’on se fait d’un guerrier nordique venu des montagnes de Norvège pour venir piller une église et voler nos femmes. Il doit mesurer 6’5 » (pratiquement 2 mètres), facilement 200 lbs (90 kg), cheveux longs juste en bas des épaules, châtain brun. Une estifi d’armoire à glace. Le gars doit avoir autour de 25 ans, et je ne serais pas surpris qu’il a la force d’Hercule. Que dis-je, la force de Thor.

La première fois que je me suis rendu compte de son existence, c’était pendant un show de Ensiferum. Gustafsson pourfendait la foule dans le moshpit. Les pauvres plébiens qui se trouvaient sur son chemin se faisaient pousser comme des brindilles par un vent arctique. Parce qu’on sait qu’un vent arctique, c’est plus fort qu’un vent du sud. Lorsque les chansons se terminaient, Gustafsson levait haut sa corne à boire et saluait les skalds sur scène.

Mon ami me dit «Ce dude là, je le vois souvent dans les shows. Il est trop épique.»

En effet, on a finalement passé le show à l’observer, du balcon, défier les mortels qui osaient se mettre devant lui. Mais ce gars-là, qui n’avait pas encore de nom ni de légende, se démarquait de la foule par son énergie incroyable en plus de son physique imposant. Jamais il ne paraissait fatigué, jamais sa voix ne semblait s’enrouer. En plus, il avait l’air d’un bon vivant et d’un gars fair-play. Le genre de gars qui va faire un mur de bouclier autour de toi si tu tombes dans un pit. Il va t’aider à te relever d’un seul bras et va te donner une tape dans le dos comme Thor le ferait.

En fait on débat encore si Gustafsson c’est le fils de Thor ou Thor lui-même. Y’a des éléments qui renforcent les deux théories et c’est difficile de savoir laquelle est bonne. Vous avez remarqué que je n’ai pas pensé qu’il était mortel? C’est sûr qu’il l’est pas en fait, je me pose même pas la question.

En tout cas, le gars en question était tellement l’image qu’on se faisait d’un metalhead viking qu’on a commencé à l’appeler Gustafsson. Non seulement c’était plus rapide que de dire «Tsé le gars avec la corne à boire dans les shows» mais aussi parce que Gustafsson, ça représente exactement qui il est. Mon ami et moi, on savait de qui on parlait quand on parlait de Gustafsson.

On a revu quelques fois le gars ici et là dans les shows, mais on s’est rendu compte qu’il n’était là que lorsqu’il y avait un band de viking metal. Est-ce que c’est par choix? Par manque de $ pour aller voir d’autres bands alors il va voir ses préférés? Parce que les bands viking metal font un rituel pour faire appel aux dieux et Thor (ou son fils, on le sait pas) arrive en se déguisant sous l’apparence et le nom de Gustafsson?

Une chose est certaine, une légende naissait, sans que nous le sachions. D’ailleurs, lui non plus, et dans la prochaine partie, je vais vous raconter comment Gustafsson est passé de «Le gars qui a une corne à boire dans les shows métal» à la légende.

Ça va devenir peut-être creepy. Je m’en excuse d’avance, mais c’est toujours safe for work, inquiétez vous pas.

To be continued…