Entrevue avec Nick DiSalvo de ELDER

ELDER interview entrevue

Photo JJ Koczan

Mine de rien ça fait déjà près de dix ans qu’Elder a lancé son premier album. Le trio mené par le chanteur et guitariste Nick DiSalvo s’est depuis bâti une réputation enviable sur la scène stoner / doom et dans la presse spécialisée.

Deux jours avant la sortie officielle de Reflections of a Floating World, le quatrième album du groupe devenu quatuor, le Boulevard s’est accosté devant une fenêtre Skype pour jaser avec le bon Nick qui coulait du bon temps dans un bar de Berlin… «le WiFi marche mieux ici que chez nous», s’est-il excusé avant de se saper une bonne gorgée de bière allemande.

Je savais même pas Nick que tu habitais à Berlin?

«Ah, ouais, je me suis pas mal promené entre les States et l’Allemagne… mais sur les huit dernières années, j’ai habité ici quoi, cinq ans?», dit-il en réfléchissant tout haut. Le guitariste précise toutefois qu’il est installé dans la capitale allemande depuis un an, un an et demi. À l’entendre, ça semble être pour du long terme.

Une nouvelle blonde avec qui il a décidé d’y établir son domicile – elle est pourtant italienne précise le bon Nick – et l’expérience acquise au fil des années d’écrire de la musique à distance de ses «bandmates» l’ont finalement convaincu de rester en Europe.

«J’aime Berlin, c’est une super grande ville, mais à échelle humaine comme», laisse-t-il tomber. Le guitariste me dira plus tard qu’il habite dans le quartier Schöneberg. Pour les non-initiés, c’est comme s’il habitait dans Rosemont, aux alentours du parc Molson. Beau spot comme on dit. Mais passons, on ne fait pas du tourisme ici au Boulevard.

Donc comment tu t’arranges pour écrire les tounes avec le groupe Nick?

«Tu sais, être dans Elder, ç’a toujours été une histoire de gestion géographique. Si on avait attendu d’être dans la même pièce pour composer, on aurait pas plus d’un album. Mais pour Reflections, ça quand même été différent au sens où c’est le premier album qu’on a fait en étant des musiciens professionnels et à ne pas avoir à gagner notre vie autrement»

Une intéressante nouveauté en effet.

«Pour vrai, je pouvais passer mes journées à pratiquer, à composer. L’album a été prêt en version démo assez rapidement, ç’a sorti vite.»

Étonnant quand on considère qu’Elder élève considérablement son niveau de complexité sonique sur Reflections, ce qui en fait le digne successeur de Lore.

D’ailleurs autre nouveauté, Elder est maintenant un quatuor. Nick, est-ce que c’est les limites du trio à rendre justice à Lore sur scène qui vous a convaincu d’ajouter un membre, où c’est le matériel que tu composais pour ce qui est devenu Reflections qui a nécessité l’ajout de Mike?

«C’est une bonne question mon chum, t’es pile dessus», commence à répondre Nick avant de s’hydrater d’une bonne gorgée. Fait étonnant, il boit une rousse… j’aurais bien aimé trouver autre chose que de la pilsner clairotte à Berlin, mais encore une fois, passons.

«Clairement, Lore nous a poussé à la limite de ce qu’on pouvait faire à trois. C’était difficile à rendre sur scène et dans ma perspective de guitariste, c’est frustrant de laisser de côté quoi, 2, 3 ou même 4 tracks de guit en version live… C’est sûr qu’on adaptait les tounes pour que ça sonne autant, mais oui, avec Lore on était au bout de ce qu’on pouvait faire et c’est un album tellement moins complexe que Reflections», dit-il en s’esclaffant.

Il fallait que je pose la question gear head (pour l’ami Cantine, yo). Mais Nick, t’utilises pas de looper en show?

«Ah, ouais, mais j’essaie de garder mon rig vraiment simple. Avec un loop ca pourrait rapidement devenir l’enfer… surtout considérant que sur scène, j’suis toujours un peu en voie d’être chaud ou stone».

La réponse du bon Nick nous a bien fait rire un instant, avant que le guitariste reprenne son sérieux : «Je connais bien Mike [le nouveau guitariste, claviériste] parce qu’on a eu un projet ensemble qui s’appelait Golden Silver et on a décidé de l’ajouter pour explorer toutes les zones où on pourrait se rendre à quatre. Sky’s the limit qu’on s’est dit.»

Nick prend quand même une pause. Et même s’il admet qu’il y avait une certaine simplicité logistique à être un trio, il se réjouit de pouvoir amener Elder vers de nouveaux cieux.

Y’a pas un fan du groupe qui s’en plaindra.

Si on parle maintenant des paroles qu’on retrouvent sur Reflections of a Floating World Nick. Quels sont les thèmes qui t’ont inspiré ici?

«J’écris toujours sur ce que je vis au moment où on prépare un album. Après la tournée de Lore, je me suis séparé de la fille avec qui j’étais depuis un bon bout. On s’aimait, mais tu sais, le mode de vie de musicien a fini par faire pression sur notre couple. Il n’y avait vraiment pas d’autres raisons que ça. Reflections parle de ça, comment vivre en tant que musicien «freelance».

Puis Nick se met à expliquer qu’il y tomber, dans un livre d’histoire du Japon sur l’image du «Floating World», une idée répandue entre le 17e et 19e siècle nippon. L’image référait à l’époque à un univers parallèle où règnent les plaisirs de l’esprit et l’hédonisme. Cette dualité a plu à Nick.

«Tu vois, j’ai toujours tendance à écrire des textes assez doom, ou «gloomy», ça ça reste, mais là, il y a une part de lumière. Pour moi, ça connectait à ce que je vivais. Finalement, malgré tout ce qui peut arriver, il faut chercher le chemin qui nous permet de vivre une vie saine et une existence d’expériences et de découvertes.»

Puis Nick prendra une pause (sûrement pour prendre une autre gorgée de bière, mais mes notes sont muettes à ce sujet) et il résumera ainsi.

«Tu sais, peu importe comment fucked up est le monde dans lequel on vit où les situations auxquelles ont est confronté, la musique est cette «réflexion» de cette idée que je me fais de la vie que je veux vivre.»

En quelques mots donc, le parolier a expliqué le titre de l’album. Pas mal.

Avant de laisser Nick, je voulais lui poser quelques questions sur la prochaine tournée d’Elder, qui sera de passage pour une première fois à Montréal à l’automne. Nick gère le booking du groupe et je voulais en savoir plus sur l’organisation de la tournée. Est-ce que la notoriété toujours grandissante du groupe a eu un impact positif?

Il a eu un rire nerveux quand j’ai abordé le sujet.

«Le but cette fois-ci c’est de tourner plus intelligemment. On veut aller qu’à des endroits où les gens attendent de nous voir en show. Multiplier les concerts juste pour faire un trajet logique et finalement jouer devant des salles à moitié vides, on veut éviter de faire ça à l’avenir. Là on prévoit partir pour environ 5 mois dans l’année au total, ce qui n’est pas plus que ce qu’on a fait pour Lore, mais on va aller à plein de nouveaux endroits et on va même refaire une tournée américaine, ce qu’on n’a pas fait depuis longtemps.»

Nick précise au passage que le marché américain a beau être vaste, il est beaucoup plus difficile à percer pour un groupe comme Elder que celui d’Europe.

C’est là que le bon Nick prononce ses premiers mots sur Montréal, où Elder s’arrêtera le 13 octobre, à l’Esco. «J’ai longtemps caressé le rêve de venir m’installer à Montréal, c’est finalement la place la plus européenne qu’on peut trouver aux States», a-t-il dit.

Bon, Montréal c’est au Canada Nick, mais j’ai pas le goût de te reprendre. Fais-toi couler une autre mousse, puis on se voit cet automne. D’ici là, on s’en coule une également et on écoute Reflections of a Floating World.

About Jean-Simon Fabien

Journaliste, chroniqueur @CamuzMontreal, clé à molette, fan de stoner-rock et des Maple Leafs du Toronto (mettons...). J'ai mon bac brun dans #RosePatrie aussi