S’il y avait deux albums death métal attendus cette année, c’était bien ceux de Carcass et de Gorguts. Ces derniers ont d’ailleurs mis douze ans avant de nous pondre une nouvelle galette. Douze ans, c’est long en baptême. Si Carcass a réussi l’exploit de retrouver sa vigueur d’antan avec Surgical Steel, alors est-ce aussi le cas pour Gorguts? Est-ce aussi bon qu’Obscura, le classique du groupe qui a changé notre façon de voir le death métal technique en 1998? Oui, absolument, mais tout en étant différent.
C’est en 1993 que j’ai découvert Gorguts avec l’album The Erosion of Sanity. Bien que la formation québécoise n’avait pas encore tout à fait trouvé leur identité, j’ai écouté cette cassette dans ma jolie Firefly jusqu’à ce que les titres de tounes finissent par disparaître… Par la suite, tout comme Death, les gars de Gorguts sont devenus des maîtres du death métal avant-gardiste. Mais depuis la parution de From Wisdom to Hate en 2001, plus rien… Bien sûr, le chanteur et guitariste Luc Lemay nous a offert un EP avec son excellent projet Negativa en 2006, mais la patience des fans de Gorguts fut mis à rude épreuve. Heureusement, Lemay a décidé de mettre sa carrière de menuisier en veilleuse en troquant ses outils pour sa guitare et nul doute que ce choix fera des heureux.
Pour ce nouveau chapitre dans la carrière de Gorguts, Lemay s’est entouré de musiciens hors pairs avec Kevin Hufnagel (Dysrhythmia) à la guitare, Colin Marston (Krallice, Behold the Arctopus) à la basse, et John Longstreth (Origin, Dim Mak) à la batterie. Même si le menuisier métalleux se retrouve maintenant le seul membre original du groupe, Colored Sands sonne comme du Gorguts, pas de doute. En plus mature toutefois.
Pour la composition de l’album, Lemay en a écrit la majorité tout en donnant carte blanche à ses musiciens pour leurs parties respectives. N’ayez crainte, le son de Gorguts est toujours aussi dissonant et les guitares toutes aussi terrifiantes qu’à l’époque. Évidemment la technicalité si remarquable du groupe est omniprésente, toutefois on la remarque plus dans l’écriture des chansons que dans l’exécution elle-même. Et ce qui est fascinant, c’est qu’à chaque écoute de Colored Sands, tu découvres de quoi de nouveau.
C’est cette pièce qui donne le ton à l’album et Gorguts démontre qu’il manie bien performance et intelligence. Elle débute avec la même rage qu’une membre du Femen qui se pète un orteil sur le bord d’un crucifix. Les rythmes jazz du batteur John Longstreth qui viennent par la suite sont de toute beauté. La basse lourde de Colin Marston prend tout la place sur la claustrophobique An Ocean Of Wisdom. Un classique. La performance vocale de Luc Lemay est toujours aussi glauque et sadique malgré toutes ces années. J’aimerais faire ma job de critique et trouver des défauts à ce disque, mais il n’y a aucun titre faible sur cette offrande. La musique de Gorguts demeure extrêmement complexe, toutefois les changements de styles et de tempos se font naturellement, ça coule tout seul. Un travail de composition absolument magistral.
L’orchestrale The Battle Of Chamdo nous donne un répit au milieu du disque, question de reprendre son souffle. J’avoue que ce morceau aurait peut-être plus sa place sur un album de Dimmu Borgir, mais ça demeure intéressant. Une bonne trame sonore, le temps d’aller se chercher une 50 frette dans le frigidaire. Le reste de l’album est consistent et brutal, les textes de Lemay se concentrant sur les évènements tragiques au Tibet. Du solide. Cette fresque musicale se conclue sur l’épique Reduced To Silence, une pièce de sept minutes qui résume bien Colored Sands, soit du death brutal mais ô combien subtil.
Gorguts n’a rien rien perdu de son fiel légendaire et nous propose tant qu’à moi l’album de l’année. Luc Lemay n’a jamais écrit deux fois le même album et réussit encore une fois à nous surprendre. Il est à la musique extrême ce qu’est Denis Villeneuve au cinéma. Colored Sands est plus qu’un excellent album de death métal, c’est un chef-d’oeuvre. Fierté.
Cote de Steve: 9.8 Femen en beau crucifix sur 10

[…] Luc Lemay n’a jamais écrit deux fois le même album et réussit encore une fois à nous surprendre. Il est à la musique extrême ce qu’est Denis Villeneuve au cinéma. Colored Sands est plus qu’un excellent album de death métal, c’est un chef-d’oeuvre. Fierté. Critique de l’album […]